Doctorant : | François DELAVAT |
Date de la soutenance : | mardi 15 juin 2021, 09h00 |
Modalité : |
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Jury : |
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Le comportement bactérien, principalement étudié à l’échelle de la population, est la conséquence de multiples interactions entre une cellule bactérienne et son microenvironnement immédiat, qu’il soit biotique ou abiotique. Il est donc indispensable d’étudier ces interactions à l’échelle microscopique. Un des aspects les plus fascinants dans l’étude du comportement individuel des bactéries est la découverte de l’existence de leur comportement social, incluant le partage de ressources ainsi qu’un mécanisme de division du labeur. La socio-microbiologie est une science récente, de pointe, encore très peu pratiquée. Tout au long de ma carrière, j’ai démontré une capacité à développer des idées originales dans cette thématique, alternant les approches à l’échelle de la communauté et à l’échelle de la cellule unique.
Mon doctorat a été consacré à la compréhension de la manière dont les micro-organismes peuvent se développer dans pratiquement tous les environnements, même les plus extrêmes comme les drainages miniers acides (DMA), fortement contaminés en métaux lourds.
Ces approches, menées à l’échelle de la communauté, ont été complétées lors de mon postdoctorat à Lausanne (2013-2017) par l’étude du comportement bactérien à l’échelle de la cellule unique, afin de caractériser la capacité de bactéries isogéniques à diverger en sous populations phénotypiquement différentes, et de comprendre les origines évolutives sous jacentes. En utilisant des approches microscopiques de pointe en temps réel et à l’échelle de la cellule unique, j’ai démontré dans des souches de Pseudomonas que le transfert horizontal d’un type d’îlots génomiques appelé élément intégratif et conjugatif (ICE) est restreint à une sous population de cellules phénotypiquement différenciées au sein d’une population isogénique, et que cette hétérogénéité permet une meilleure fitness de l’ICE.
J’ai poursuivi cette niche de travail de pointe lors de mon 2e post-doctorat à Brest (2017-2019), en appliquant des concepts similaires pour apprécier l’étendue et l’importance du comportement hétérogène et social de bactéries pathogènes. La bactérie modèle était Vibrio harveyi ORM4, une bactérie marine infectant l’ormeau européen Haliotis tuberculata. J’ai suivi les interactions hôte-pathogène à l’échelle de la cellule unique, en développant des outils génétiques et moléculaires pour cette souche. En outre, j’ai pu démontrer qu’un gène lié à la virulence est exprimé de manière hétérogène chez V. harveyi ORM4.
En 2019, j’ai été recruté en tant que Maitre de Conférences à l’université de Nantes afin de poursuivre le développement de ma thématique en socio-microbiologie, dans un contexte d’interaction symbiotique entre des bactéries capables de fixer l’azote et des microalgues photosynthétiques. La fixation biologique de diazote dissous (N2) ou diazotrophie supporte une portion significative de la production primaire océanique et permet de rendre accessible le N2 récemment fixé à l’ensemble de la communauté planctonique. Dans des environnements carencés en azote, certaines cyanobactéries diazotrophes sont connues pour entretenir des interactions symbiotiques avec des microalgues et notamment les diatomées. De plus, d’autres cyanobactéries filamenteuses sont capables d’avoir un comportement hétérogène et social, divisant le labeur pour l’activité de diazotrophie, restreinte à une sous-population de cellules appelées hétérocystes. Cependant, des approches récentes menées sur des ADN métagénomiques d’origines marines ont montré l’existence en abondance de diazotrophes non cyanobactériens (DNC) dans les océans. Ces DNC pourraient jouer un rôle important dans les cycles biogéochimiques de l’azote, mais aussi du carbone via une entrée en interaction avec des microalgues photosynthétiques. Cependant, et malgré leur importance potentielle, aucune étude ne s’est attachée à comprendre le rôle des DNC marins dans l’établissement d’interactions symbiotiques avec les microalgues. L’étude de leur mode de vie révèle en effet des difficultés, essentiellement parce que la plupart des DNC marines restent récalcitrantes à la culture et parce qu’aucune microalgue marine dépendante de DNC pour se développer n’a été découverte. C’est dans ce cadre que se situe mon projet de recherche actuel. Les projets
proposés visent à étudier des couples DNC-microalgue, qui vont servir de base pour répondre à ces questions d’importance autant fondamentales qu’écologiques, puisqu’elles peuvent changer de paradigme dans la compréhension des cycles biogéochimiques de l’azote et du carbone dans les océans.