Détecter l’ostéosarcome avec Isidora Panez
12/11/2024Suite des portaits sur « les Femmes au Cœur de la Science à l’US2B », nous vous invitons à découvrir Isadora Panez, doctorante en troisième année dans l’équipe « Mécanisme et régulation de la réparation de l’ADN » au sein du laboratoire.
Au cœur des laboratoires de l’ICO, on retrouve une jeune doctorante : Isidora Panez. Son objectif ? Optimiser un système de détection des cellules tumorales caractéristiques de l’ostéosarcome.
Sortir des sentiers battus…
Isidora s’est orientée vers une carrière de dentiste dans son pays natal, le Chili. Au cours de ces 6 années d’études, elle réalise une thèse expérimentale pour étudier le tissu osseux. S’en suit un poste sur une île dans le sud du Chili ou la jeune dentiste exerce son métier auprès de patients dont l’accès aux soins de santé est précaire. Diplôme en poche et forte d’une première expérience, elle n’a pas voulu s’arrêter là puisqu’elle a choisi de réaliser sa thèse auprès de Dominique Heymann en 2023. Effectivement, la recherche fondamentale s’éloigne quelque peu de son parcours initial mais c’est exactement ce qu’elle souhaitait : continuer d’apprendre et sortir des sentiers battus ! Alors le projet de la jeune chercheuse, c’est de développer et d’optimiser un système micro fluidique multifonctionnel miniaturisé. Ce système permettra alors d’isoler, de concentrer et de cultiver en 3D les cellules tumorales circulantes des patients via un « système 3 en 1 ».
Une tumeur maligne osseuse : l’ostéosarcome
L’ostéosarcome est la tumeur osseuse maligne primitive la plus fréquente chez l’enfant et l’adolescent. La pathologie touche près de 100 à 150 nouveaux patients par an en France.
Classiquement, l’ostéosarcome se développe au niveau des membres inférieurs à proximité du genou (60% des cas) ou au niveau des membres supérieurs à distance du coude. Ce cancer a une propension à la dissémination vers d’autres régions du corps. Ainsi dans 20 % des cas environ, il existe une atteinte associée (métastases) des poumons et/ou plus rarement d’autres os.
Des évènements cellulaires rares : les cellules tumorales circulantes
Avant de comprendre comment les cellules sont isolées, il est crucial de comprendre le rôle qu’elles jouent ! Au cours du processus métastatique, les cellules tumorales migrent à travers la circulation sanguine du site tumoral primaire vers des organes cibles. Ces cellules migratrices sont alors communément appelées des cellules tumorales circulantes (CTCs). Elles sont des marqueurs biologiques de l’évolution de la maladie. C’est alors que la détection et la caractérisation moléculaire des cellules tumorales circulantes dans le sang sont des outils cruciaux d’aide au choix thérapeutique.
Ces cellules sont caractérisées d’« évènements cellulaires rares ». Effectivement, on retrouve moins d’une centaine de cellules pour 10 ml de sang. Concrètement, ça signifie qu’on en retrouve une centaine parmi des millions voire même des milliards de cellules ! C’est alors un vrai challenge de pouvoir isoler ces cellules. Comme si ce n’était pas suffisant, au-delà de leur rareté, elles sont également particulièrement hétérogènes, variant d’un patient à l’autre. C’est en regard de cette problématique qu’intervient la microfluidique.
La microfluidique, qu’est-ce que c’est ?
Il s’agit de la science et la technique des systèmes manipulant les fluides dont les dimensions sont de l’ordre du micron. Aux petites dimensions, les phénomènes physiques macroscopiques changent radicalement. Caractérisées par un ensemble de micro canaux connectés entre eux, gravés ou moulés dans un matériau tel que le verre, le silicium ou un polymère, ils permettent de réaliser différentes fonctions (mélanges, pompage, tri, contrôle de l’environnement biochimique). La microfluidique offre alors un environnement hautement contrôlé et une excellente précision pour la séparation des cellules tumorales circulantes de l’échantillon de sang total via les forces hydrodynamiques, la déformation des cellules ou même les champs électriques ou magnétiques.
Un nouveau modèle de système microfluidique « 3 en 1 »
Si la microfluidique est déjà utilisée pour la recherche de cellules tumorales circulantes, dans le système actuel, les différentes étapes du processus menant à leur isolement dans le sang entrainent la mort d’un grand nombre d’entre elles. En cause, de nombreuses étapes de manipulation. Isidora a conçu un nouveau prototype microfluidique pour répondre à cette problématique. Son système, qui rassemble les étapes de pré enrichissement, isolement et culture, permet la réduction du nombre de manipulations ce qui à pour conséquence de limiter la mort cellulaire. Une fois les cellules isolées, des cultures 3D sont réalisées permettant de créer des conditions proches du micro-environnement rencontré dans le corps du patient. Les techniques de culture en 3D visent à reconstituer la complexité des tumeurs d’un point de vue structurel, biochimique et biophysique, et de questionner les relations existantes entre les différentes populations cellulaires en condition basale ou suite à un traitement.
L’utilisation d’un système miniaturisé multifonctionnel dans le cadre d’une démarche analytique individualisée vise à isoler plus rapidement et à moindre coût les cellules tumorales des patients pour mieux les caractériser. A terme, une amélioration notable de la prise en charge thérapeutique des patients atteints d’ostéosarcomes est attendue via ce processus. Ce projet innovant est, sans nul doute, à la hauteur des ambitions de la jeune femme qui ne compte pas s’arrêter là…
Un projet en construction
« Après ces années de thèse, j’aurai une connaissance plus approfondie et plus large de la microfluidique, ce qui m’apportera sans aucun doute une autonomie en tant que chercheuse. »
Dans les années à venir, Isidora souhaite prendre plus de responsabilités au sein de plateformes microfluidiques et pourquoi pas, faire un post-doctorat à l’étranger ? Cela lui permettra alors de consolider et d’élargir son expérience dans le domaine et avoir « un plus grand impact en tant que femme dans la science et plus particulièrement dans cette branche de la bio-ingénierie. »
Pour plus d’information, vous pouvez contacter Isidora à l’adresse suivante: isidora.panez@univ-nantes.fr
Par Lénaïg CORDEROC’H
Pour me contacter: lcorderoch@hotmail.fr
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