Rad51, clef de la thérapie anticancéreuse avec Lucie Fonteneau

30/05/2024

Et de trois! Pour continuer notre série de portraits sur « les Femmes au Cœur de la Science à l’US2B », nous vous invitons à découvrir Lucie Fonteneau, doctorante en dernière année dans l’équipe « Mécanisme et régulation de la réparation de l’ADN » au sein du laboratoire.

 

A l’heure décisive de la rédaction de son manuscrit final, Lucie Fonteneau s’est prêtée au jeu de l’interview et nous a ouvert les portes du laboratoire. C’est l’achèvement de trois années et demie de thèse au sein de l’équipe « Mécanisme et régulation de la réparation de l’ADN ».

Un parcours semé d’embuches

Lucie amorce son parcours scientifique par une licence de biologie pendant laquelle elle réalise un stage dans le domaine de l’immunologie avant de poursuivre un master de biologie moléculaire et cellulaire à Rennes. En première année de master, l’étudiante à eu l’occasion de faire un stage à Southampton en Angleterre sur l’étude des drosophiles et d’un photorécepteur impliqué dans leurs déplacements, lui permettant d’ajouter une corde à son arc. La seconde année de master lui a permis de réaliser un stage au sein du CRCI²NA  dans la fabuleuse ville de Nantes. Un stage qui a cependant été écourté de plusieurs mois par un petit virus qu’on ne nomme plus : le SARS-CoV-2. En effet, des nombreux domaines mis à mal lors de la pandémie, la scolarité de Lucie n’a pas fait exception. Lucie postule finalement à l’école doctorale, la menant ici, à l’US2B ! C’est alors qu’elle se lance dans la recherche sur l’inhibition de la réparation de l’ADN par les pigments de microalgues, sujet de recherche qui va évoluer très rapidement. En cause ? Les aléas de la science évidemment !

Le projet initial de la thèse était alors d’utiliser un pigment caroténoïde de microalgues comme inhibiteur de la protéine Rad51, impliquée dans la recombinaison homologue. Après deux années à se démener, aucun impact direct de la molécule n’a été observé sur la protéine cible. Lucie et son équipe sont alors contraints d’abandonner le projet lié au pigment. Mais pour Lucie, un abandon n’en est pas vraiment un. La doctorante poursuit son travail sur l’inhibition de la protéine Rad51 via des molécules synthétisées par le CEISAM , laboratoire de recherche en chimie moléculaire à Nantes.

Quelles sont ces molécules mystères, vous demandez vous surement ? Il s’agit d’analogues d’une molécule inhibitrice de Rad51 déjà existante. Cette molécule inhibitrice est toxique pour les cellules saines et n’impacte pas spécifiquement Rad51. Alors, via des arrangements structuraux de la molécule initiale, des petites molécules analogues sont générées et testées in vitro et in cellulo dans l’optique d’avoir un inhibiteur efficace et non toxique. L’alternative s’est avérée payante pour la doctorante : « ça a très bien fonctionné, j’ai de bons résultats pour la fin de ma thèse. »

En trois années et demie de thèse, Lucie a eu l’occasion de rencontrer des difficultés. Pourquoi trois ans et demi ? Lucie a fait le choix de prolonger ses recherches de thèse en tant qu’attaché temporaire d’enseignement et de recherche (ATER) consacrant une partie de son temps à l’enseignement et l’autre à la recherche. Enseignant des mathématiques à des étudiants biologistes, de la biochimie, de la bio-informatique, Lucie se lance dans un vrai travail pédagogique. Un engagement chronophage qui n’a pas permis à l’étudiante de se consacrer autant qu’elle ne l’aurait souhaité à sa thèse. Pour autant, Lucie s’estime fière de son parcours :

« Quand tu es dans ta thèse, tu as des œillères, tu fonces et tu continues et quand tu arrives en fin de thèse tu te dis : voilà j’ai fait tout ça c’est pas mal ».

Rad51, facteur du cancer ?

La recombinaison homologue joue un rôle essentiel dans la réparation et la stabilité du génome. L’acteur principal de ce mécanisme est la protéine Rad51. Rad51 est effectivement essentiel à la réplication de l’ADN et à la prolifération des cellules, dont celles des tumeurs. C’est alors qu’on la retrouve surexprimée dans la plupart des cancers. Si elle est altérée, les tumeurs ne peuvent plus progresser… d’où l’intérêt d’inhiber l’activité de la protéine dans les cellules cancéreuses pour permettre l’apoptose de ces dernières. Dans un contexte de chimio- ou radiothérapie, dont l’objectif est de casser l’ADN des cellules cancéreuses pour qu’elles meurent, l’inhibition de Rad51 va bloquer la réparation de cet ADN endommagé.

Étudier les effets de l’inhibition de la protéine

La culture cellulaire est la première étape essentielle menée par la doctorante. Cela permet de tester les effets des molécules sur les niveaux protéiques de Rad51 dans des lignées de cellules cancéreuses. S’en suit un aspect plus moléculaire : l’immunofluorescence. L’idée, c’est de visualiser les foyers de protéines Rad51 qui vont être localisés dans le noyau au niveau des cassures double brin de l’ADN. Des tests in vitro sont également réalisés par la doctorante dans l’objectif de suivre les différentes étapes de la recombinaison homologue suite à l’ajout ou non de la molécule d’intérêt.  Lucie réalise également une batterie de tests parmi lesquels, le test des comètes qui lui permet de quantifier les cassures double-brin de l’ADN, les tests de viabilité cellulaire et de clonogénie (capacité de prolifération cellulaire).

L’objectif, d’après Lucie, c’est de sélectionner une molécule qui pourrait être utilisé en tant qu’adjuvant dans les thérapies anticancéreuses. Concrètement, à un traitement anticancéreux (chimio- ou radiothérapie), sera associée une molécule inhibitrice de Rad51 : cela permettrait alors d’empêcher le développement de résistance des cellules cancéreuses et d’augmenter l’efficacité du traitement anticancéreux.

Un avenir en construction

A quelques jours de la soutenance de thèse, Lucie focalise toute son attention sur la préparation de sa soutenance et la correction de son manuscrit. Une stratégie se met tout de même doucement en place puisque Lucie souhaite poursuivre avec un post-doctorat à l’étranger, au sein d’équipes de recherche qui travaillent sur la réparation de l’ADN, projet qui s’inscrit ainsi dans la continuité de sa thèse.

 

1 Nantes – Angers Cancer and Immunology Research Center
2 Laboratoire « Chimie Et Interdisciplinarité, Synthèse, Analyse, Modélisation » (CEISAM) – UMR CNRS 6230

Par Lénaïg CORDEROC’H

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